Freyr, le Seigneur de la Nature

Eu égard pour mon amour de la nature, je ne pouvais pas faire sans parler d’une divinité étroitement liée à Freyja, et qui est en quelque sorte son pendant masculin dans la mythologie nordique.

Ce dieu est tout à la fois très important et étrangement moins connu que les autres habitants divins des neuf Mondes… Et pourtant, son rôle de premier plan ne peut être nié. Il est donc temps que je vous présente Freyr, le Seigneur de la Nature chez les peuples scandinaves.

Gravure montrant le dieu nordique Freyr, seulement vêtu d’une cape cachant son entrejambe, tenant une épée dans son fourreau de la main droite et accompagné d’un sanglier.
Freyr et son sanglier Gullinbursti – par Johannes Gehrts

Les cultures nordiques se transmettaient oralement, et la majorité des écrits qui nous sont parvenus viennent d’Islande et datent des XIIe et XIIIe siècles (avec notamment Snorri Sturluson et ses Eddas), à l’époque où l’île se faisait chrétienne. Aussi, de nombreuses légendes sont à jamais perdues, et ce qui nous est parvenu a été influencé, modifié, par l’Eglise qui tenta de tourner en ridicule certains mythes pour effacer ces divinités des traditions des peuples conquis…

Le Seigneur Vane

Freyr est le frère jumeau de Freyja, et comme elle il est fortement lié à la nature, ce qui en fait un dieu assez important, même si c’est en Suède qu’il aurait surtout été vénéré. Selon Régis Boyer, il serait même en troisième position dans le cœur des humains (après Thor et Odin donc). Dans ses Eddas, Snorri Sturlusson le décrit ainsi : « Njördr de Nóatún engendra ensuite deux enfants : un fils, Freyr, et une fille, Freyja. Ils étaient beaux à voir et puissants. Freyr est le plus glorieux des Ase. » Si Snorri le qualifie d’Ase, il faut cependant nuancer : s’il est accepté parmi les Ases comme l’un des leurs, tout comme Freyja il s’agit d’un Vanes. Tous deux restèrent à Asgard après que la paix entre Ases et vanes ait été conclue, à la suite d’un conflit de longue haleine.

Tout un poème eddique est consacré à Freyr, le Skírnisför (Voyage de Skírnir) aussi appelé Skírnismál (Dits de Skírnir), montrant le dieu en amoureux transi, ce qui est assez rares dans les Eddas. On y voit là l’influence des romans d’amour courtois qui étaient connus en Islande du temps de Snorri. Et quoi de mieux qu’une histoire d’amour entre une géante et un Vane, se passant au printemps, pour présenter le dieu de l’amour et de la fertilité ? Mais qu’on ne s’y trompe pas, sous les allures romantiques du poème, il y a tout autant d’allusions sexuelles que d’injonction envers Gerd, la géante, qui n’eut d’autres choix que d’accepter la demande que fit Skírnir au nom de son maître… Une hypothèse d’ailleurs est que Skírnir est une hypostase de Freyr : on peut voir en lui le côté brutal du dieu, et donc par extension de la nature, de même que l’échange d’épée est chargé de symbolique phallique. parce que oui, la fertilité, c’est évidemment aussi la fécondité, et on n’a rien sans rien…

Tout comme sa jumelle, Freyr est aussi un initiateur qui enseigne la magie, mais par n’importe laquelle : il s’agit de la magie elfique, dont il est le précurseur, puisqu’il est le seigneur des Alfes et des fées, dont il reçu leur monde en cadeau, selon le folklore nordique, quand tomba sa première dent – ce qui est quand même plus classe qu’une pièce de monnaie ou un petit billet, n’est-ce pas ?). Freyr est donc le dieu scandinave du Petit Peuple, et il serait secondé par Obéron et Modsögnir, les rois Alfes. Et tout comme Freyja, il se déplace aussi sur un char, tiré ici par son sanglier, qu’il chevauche à l’occasion.

En Seigneur des forêts et des terres sauvage, il est représenté portant des bois de cerf sur sa tête, pour représenter le cycle des saisons. Ainsi, on peut le rapprocher de Cernunnos ou de l’Homme-Vert, deux autres forces primitives de la nature, car au fond, c’est cela qu’est Freyr, mais pas que…

Les noms de Freyr

Freyr, aussi écrit Frey, est comme la plupart des divinités nordiques importantes, est connu sous d’autres identités : Ing/Ingunar/Ingvi (petite subtilité : Yngvi est aussi le nom du fils qu’il a eu avec Gerd, et l’un comme l’autre seraient, dit-on, à l’origine de la famille royale suédoise des Ynglingar) en est la principale, et c’est pourquoi la rune Ingwaz lui est liée intimement. Freyr porte aussi le nom de Frø, que l’on retrouve sous la graphie Froh dans l’opéra L’Or du Rhin de Wagner. Quant à Adam de Brême, il nomme le dieu Fricco, qui tirerait cette fois sont origine du terme friðkan qui signifierait « amant/aimant » (ce qui est somme toute sensé).

Le nom de Freyr, à l’image de Freyja, veut dire « Seigneur » en vieux norrois, dérivé du protogermanique fraujaz

Freyr se retrouve surtout dans la toponymie suédoise – comme je l’ai évoqué plus haut, c’est là qu’il a été le plus vénéré, ce qui est donc tout à fait logique -, notamment à l’est du pays, mais également en Norvège. Il est par contre absent de la toponymie danoise et n’a été identifié que trois fois en Islande.

Attributs & attributions de Freyr

Les pouvoirs de Freyr

Dans les Eddas, Snorri dit de Freyr « qu’il commande à la pluie et à l’éclat du soleil, et en outre aussi à la végétation, et il est bon de l’invoquer pour une année féconde et pour la paix. Il commende également à la prospérité de bien des gens.« 

Comme évoqué plus tôt, Freyr est donc LE dieu de la nature, et il commande à tous ses aspects. Il est le maître des moissons, des récoltes, veille sur la croissance des cultures, et ainsi patronne l’agriculture. Par ce rôle, il a de fait un aspect solaire et fait donc clairement le pendant avec le côté lunaire de sa sœur. Et bien entendu, qui dit récolte dit abondance, et c’est donc Freyr que l’on invoque pour que la nature nous comble de ses bienfaits. Il incarne de fait le cycle naturel des saisons.

Mais, c’est aussi, on l’a vu, le dieu des forêts, et par extension des animaux libres et sauvages. Et par ce lien avec la forêt il revêt aussi le côté mystérieux et magique de cet endroit : Freyr est le maître des arbres, qui sont les intermédiaires entre les mondes à l’image d’Yggdrasil. Et de fait, son compagnon est un sanglier, un animal forestier. 

Freyr est donc le dieu de la fertilité de la terre, qu’il a épousé en la personne de Gerd. Ainsi, comme sa sœur, il est lui aussi lié à tous les éléments : il est le Feu, la Terre, l’Air et l’Eau à la fois, que ce soit lui-même, ou via ses attributs et son rôle. Il est la Nature dans son aspect phallique, il est la graine qui ne demande qu’à être plantée. D’ailleurs son culte impliquaient apparemment beaucoup d’éléments assez obscènes… dont l’idée que lui-même se présente avec le pénis en érection, à l’instar de nombreuses divinités masculines dont le rôle principal est justement la fécondité.

Mais on ne peut pas non plus le réduire à cela : Freyr est aussi un dieu de justice et de paix que l’on invoquait avec la formule « til árs ok fridar« , et il apporte la prospérité aux peuples qu’il a dans ses bonnes grâces (cela va avec l’abondance, évidemment). C’est aussi un dieu de la navigation qui protège les marins (n’oublions pas que Njörd est un dieu de la mer, il est donc normal que ses enfants y soient liés).

Les trésors de Freyr

Freyr vit habituellement hors d’Asgard, car il a une halle nommée Vidblainn, dans le monde Alfheim. C’est, dit-on, la plus belle des demeure en dehors du monde des Ases. 

Il possède une épée magique, nommée Mimming, qui est capable de se battre seule sans qu’on ait besoin de la porter, et qui pourrait même défaire l’épée enflammée de Surt… mais que Freyr donna à Skírnir en « salaire » pour avoir demandé à Gerd d’épouser le dieu, ce qui fait que Freyr se trouvera désarmer à Ragnarök et sera le premier à tomber…

Lorsque les nains se défièrent par l’entremise de Loki, Freyr acquit deux trésors parmi les plus spéciaux : Gullinbursti, le verrat d’or façonné par Brokkr et Eitri, et qui peut courir dans les airs et sur l’eau, aller plus vite qu’une cheval et dans la nuit la plus noire tant il brille, et le navire Skidbladnir, créé par les trois fils d’Ivaldi, qui peut contenir tous les Ases, et profiter de vents toujours favorables pour aller là où on a besoin d’aller, et qui, une fois replié, devient une pièce de tissu tenant dans une bourse.

En outre, il a aussi, tout de même, un cheval, nommé Blodfaxi ou Freyfaxi (faxi pour crinière).

Illustration en noir et blanc montrant le dieu Freyr, recouvert d’un tissu avec beaucoup de plis, assis et pensif, avec derrière lui un bâton.
Freyr sur le trône d’Odinn – par Frederic Lawrence

Correspondances magiques liées à Freyr

Lorsqu’on parle de pratique magique, on en vient toujours aux correspondances, c’est à dire aux liens entre les divinités, plantes, pierres, couleurs,… qui peuvent nous servir à monter un rituel de manière harmonieuse. Freyr n’y fait pas exception et voici donc une liste (non exhaustive) de ce qui lui est lié :

  • Signe du Zodiaque : Capricorne
  • Planète / astre : Soleil, Terre
  • Fête païenne : Ostara, Beltaine
  • Runes : Fehu, Uruz, Gebo, Wunjo, Jera, Sowilo, Ehwaz, Ingwaz
  • Élément : Tous les éléments
  • Nombre : 1
  • Plantes : ajonc, lierre
  • Arbres : frêne, sureau
  • Animaux : sanglier, porc, cheval (étalon)
  • Intentions : abondance, bonheur, commencements, défense, fécondité, fertilité, lumière, magie runique, mariage, météo, paix, plaisir (notamment sexuel), prospérité, protection, succès, voyage (notamment en mer).

Concernant les runes, le premier Aett (série de huit runes) du Futhark (Fehu, Uruz, Thurisaz, Ansuz, Raidho, Kenaz, Gebo, Wunjo) est gouverné par Freyr et Freyja et symbolise la fertilité. Pas étonnant donc que certaines de ces runes soient particulièrement liées à Freyr. Pour les curieux·ses, voici ce que les runes liées à ce dieu symbolisent :

  • Fehu  f  : le feu primordial, le sang, opposé de Isa
  • Uruz u : le réceptacle primordial, l’énergie créatrice, le fluide vital, rune de guérison.
  • Gebo  g  : harmonie & union, échange, équilibre, rune de l’amour, rune du lien entre les hommes & entre les hommes et les dieux (air)
  • Wunjo  w  : harmonie après le don, joie, plaisir et bonheur, bannière sous laquelle on se rallie, appel à se rassembler (air)
  • Jera  j  : signifie « année » ou « saison », symbolise le temps cyclique, accomplissement, union mystique entre la terre et le cosmos, changement (terre)
  • Sowilo  s  : la lumière, le soleil, l’illumination, rune de la victoire. Combinée à Uruz elle en augmente les soins.
  • Ehwaz  e  : dualité, alternance, mouvement, symbolise le voyage chamanique, la divination (terre)
  • Ingwaz  ŋ  : acte créateur, réserve d’énergie latente, œuf, graine, vie en gestation, concentration du pouvoir créateur, protection (de l’extérieur pour ce qui est à l’intérieur et inversement).

Si on peut faire des dévotions à Freyja lors de la célébration d’Imbolc, nul doute que c’est à Ostara qu’il convient de célébrer Freyr, ainsi qu’à Beltaine. Mais plus encore, cette paire de divinités de la Nature nous accompagne tout au long de l’année, cycles après cycles…

A vendredi 25 Février 2022 pour un nouvel article, dans lequel je vous parlerais de l’ancrage, une notion qui peut s’avérer très importante dans votre pratique !

Prenez soin de vous et que Mélusine vous garde…

Amélie la sorcière

Sources

  • « Galdarbók – La Voie des 24 Runes » de Galdar Sechador
  • « L’Edda poétique », Régis Boyer
  • « La mythologie viking », Neil Gaiman
  • « Le grand livre de correspondances », Sandra Kynes
  • Le site Histoire du monde
  • Article Wikipédia consacré à Freyr (et liens associés)
  • Ainsi que mes connaissances non-sourcées et mes expériences personnelles
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