Baguettes magiques, balais volants et sorcières modernes…

Difficile, quand on pense aux sorcières, de ne pas s’imaginer l’une ou l’autre des figures bien connues à travers notre culture. Que ce soit dans les croyances et superstitions depuis le Moyen Âge, ou dans la Pop Culture, la sorcière a toujours été présente dans nos esprits… En bien, mais hélas très souvent en mal.

Mais s’il est facile de s’imaginer une vieille femme méchante, mangeuse d’enfants, ou une jeune femme fatale, croqueuse d’hommes, toutes deux lançant malédictions et mauvais sorts, il est moins aisé, lorsqu’on n’y est pas initié·e, de connaître le vrai visage des sorcières… et des sorciers.

Aujourd’hui, nous allons donc voir, de manière assez générale, ce que signifie pratiquer la sorcellerie de nos jours.

Triptyque de trois tableaux représentant des sorcières. De gauche à droite : la Prêtresse de Delphes, de John Collier (1891), Deux sorcières, de Hans Baldung (1523), et Le cercle magique, de John William Waterhouse (1886).
De gauche à droite : la Prêtresse de Delphes, de John Collier (1891), Deux sorcières, de Hans Baldung (1523), et Le cercle magique, de John William Waterhouse (1886).

Bonne ou mauvaise sorcière ?

Quand je dis que je suis une sorcière, j’obtiens trois types de réactions.

Si mes interlocuteur·rice·s sont initié·e·s à la sorcellerie, on part très vite dans une conversation stimulante, avec échange de savoirs et comparaison de nos pratiques (le plus souvent de façon bienveillante, je fuis vite celleux qui pensent que leur façon est la seule valable).

Mais la plupart du temps je tombe sur des gens qui n’y connaissent rien, et là, soit on prend cela comme une blague, soit on fronce les sourcils et on me juge très fort. 

Parce que dans la culture populaire, la sorcière fait de suite penser soit aux sœurs Halliwell, à Sabrina Spellman ou à Hermione Granger, soit on imagine plutôt la Méchante Sorcière de l’Ouest toute verte, une des soeurs Sanderson dans Hocus Pocus, ou encore une des monstrueuses mégères de Sacrées Sorcières de Roald Dalh…

Pourtant, la sorcière n’est pas une ogresse mangeuse d’enfants, elle n’est pas tueuse en série d’hommes infidèles, elle ne fricote pas non plus avec le Diable, et n’a pas la peau verte – à part peut être à Halloween… Il est donc de bon ton de vous expliquer un peu ce qu’est la sorcellerie, celle d’hier comme celle d’aujourd’hui.

Mais avant toute chose, il importe de poser des bases solides, et cela passe par quelques explications. Suivez le guide !

Un peu d’étymologie…

Le terme sorcellerie est dérivé du terme sorcier, qui possède une étymologie multiple, selon l’espace linguistique.

Le mot sorcière/sorcier vient du latin sortiarius, c’est à dire « diseur de sorts », dérivé de sors (génitif sortis), désignant tout d’abord un procédé de divination, puis avec l’évolution de la langue « destinée, sort ».

Les mots sorcière/sorcier en ibéro-roman tels que le portugais bruxa, l’espagnol bruja ou le catalan bruixa ainsi que l’occitan bruèissa, proviendraient d’un hispano-celtique bruxtia, attesté également sous la forme de brixtía, « sort ». On rapproche ce dernier du vieil irlandais bricht « formule magique, incantation » et du vieux breton brith « magie ».

Le mot anglais witch viendrait du vieil anglais wiccian « jeter un sort, pratiquer la sorcellerie », comparable au bas-allemand wicken « pratiquer la divination » et au frison de l’Ouest wikje « prédire, prévenir ».

Et donc, la sorcellerie, c’est quoi ?

Cela désigne, globalement, l’art d’interroger le sort (c’est à dire le hasard ou le destin), et par extension de plus ou moins parvenir à en modifier le cours.

Pratiquer la sorcellerie, c’est travailler tout autant avec des forces surnaturelles (esprits, entités diverses, démons ou anges, divinités, Petit Peuple ou Faes,…) qu’avec les forces naturelles (plantes, pierres, cycles lunaires, saisons, astres, ondes,…). 

Au début de son histoire, en 589, le mot sorcière/sorcier était destiné à diaboliser les pratiquant·e·s de la « vieille coutume », dans un contexte de début du christianisme. Il s’agissait notamment des sages-femme, des herboristes, des guérisseur·euse·s, des bouteur·euse·s de feu,… Mais cela ciblait aussi les personnes déjà persécutées sous l’occupation romaine : druide·sse·s, sourcier·e·s, astrologues, devin·eresse·s,…

Car si dans l’Antiquité, la sorcellerie était admise, pour ne pas dire promue comme dans les sanctuaires (avec par exemple la fameuse Pythie de Delphes) ou pour les décisions officielles, l’avènement des « religions du livre » amena la condamnation de toutes les formes de magie… Mais nous y reviendrons une autre fois, car la tristement célèbre « chasse aux sorcières » est bien plus complexe qu’il n’y paraît.

Des sorcières d’antan…

La sorcière d’autrefois n’a donc pas qu’un seul visage. Ni un seul genre…

Hommes comme femmes pouvaient être versés dans les arts dits occultes, et chaque pratiquant·e avait sa spécialité, ou plutôt son utilité, avant que tout ce qui touche à la médecine ne soit codifié et réservé à une élite – masculine – et que tout ce qui ne rentrait pas dans le cadre soit éradiqué. Pourtant, aujourd’hui encore on a gardé des traces de ce passé pas si lointain…

Les deux exemples les plus probants sont les sages-femme et les pharmacies. 

Aujourd’hui relégué en second plan, au rang d’assistant du gynécologue-obstétricien, le rôle de la sage-femme était pourtant central lors des accouchements. Une femme prête à donner la vie n’allait pas voir le médecin du village : elle faisait appeler la sage-femme, qui savait tout autant extirper les nouveaux-nés du ventre de leurs mères que concocter onguents et potions à base de plantes récoltées dans la région. 

Il en va de même pour les pharmacien·ne·s, qui ont remplacé les apothicaires d’antan et autres herboristes, qui vendaient les remèdes très souvent fait sur-mesure selon les besoins de la patientèle.

Et bien sûr, il y avait les autres, celles et ceux que l’on a pourchassé·e·s : celleux qui, au-delà des effets des plantes, au-delà des cycles lunaires, ressentaient les énergies. C’est à dire celleux qui voyaient au-delà du visible. Tous ces gens que l’on a voulu éliminer, par peur, par crainte, par incompréhension… par jalousie, aussi, parfois…

Le passé ne s’efface jamais complètement, et les pratiques anciennes ne sont pas restées dans l’oubli.

De nos jours, la sorcellerie occupe des domaines variés : l’herboristerie, bien sûr, et avec elle l’aromathérapie et l’art des élixirs floraux, mais aussi la lithothérapie, pour ce qui est d’utiliser ce que la nature nous offre. A cela s’ajoute l’astrologie, et tous les arts divinatoires (sujet bien vaste pour lequel je ferais plusieurs articles). 

Cependant, il y a certaines pratiques ancestrales et surtout culturelles qui n’ont jamais cessé (malgré l’acharnement de nos ancêtres colonisateurs européens à faire entrer ces populations dans leurs normes), comme le vaudou, le chamanisme des amérindiens ou des ethnies nomades en Russie et en Mongolie,… (NB : vouloir utiliser ces pratiques à son compte lorsqu’elles ne font pas partie de votre culture, c’est de l’appropriation culturelle, ne faites pas ça, respectez les autres, merci).

… Aux sorcières modernes

Au cours de ma vie, j’ai eu la chance de rencontrer des personnes qui, armées de leur don, font le bien autour d’elles. Il y a eu la fameuse « petite dame », cette magnétiseuse qui m’a aidée à me sentir mieux dans mon corps et dans ma tête, là où le traitement du médecin n’avait eu que des effets temporaires (promis, je ferais un article sur ça un jour). Il y a eu ce rebouteux qui a remis en place ma rotule bien plus vite et efficacement que le kiné (qui a fait du bien aussi, mais différemment). Il y a eu cette bouteuse de feu, lors d’un spectacle médiéval nocturne, qui a sauvé la main d’une amie après un malheureux retour de flamme. Et plus récemment, cette petite communauté en ligne, que j’ai rejointe récemment, peuplée de fabuleuses personnes ressentant des choses dont même moi je n’ai qu’à peine conscience…

Et il y a moi, avec mes cartes qui m’ont fait dire des choses justes à des gens dont je ne connaissais rien. Il y a mon « homme au chapeau« , cette entité vivant dans ma chambre chez mes parents (un jour, je vous raconterais). Tous ses picotements désagréables ou ces sensations de chaleur douce dans mon dos quand je vais dans un lieu chargé d’histoire. Ainsi que mes rêves prémonitoires si détaillés.

Des personnes comme moi, il y en a pleins, partout dans le monde. Il y a celleux qui ont toujours connu ça, dans leur famille, voire dans leur culture. Ou celleux qui ont découvert ça sur le tard, sans jamais trouver leur place. D’autres encore qui ont été initié·e·s et font partie d’une grande communauté (comme les wiccan·e·s)… Et tou·te·s avons un point commun (en plus de nos pratiques) : on ne nous prend que rarement au sérieux, et souvent celleux qui nous croient ont simplement déjà l’esprit ouvert pour avoir assisté à au moins un phénomène qu’iels ne savent expliquer.

Bien sûr, comme partout, il y a des dérives. Avant il y a eu les sectes, aujourd’hui, avec l’internet sans limite et à grande vitesse, certaines personnes surfent sur la vague du mercantilisme et de la « fame« , faisant passer les sorcières pour une mode éphémère… Certes, cela rend plus acceptable nos pratiques, mais cela les discrédite dans le même temps, minimisant ainsi notre utilité et nos savoirs. 

Les huit premiers Arcanes majeurs du "Modern Witch Tarot" de Lisa Sterle, représentant les "sorcières modernes" en tant que personnages des cartes.

Ainsi, la sorcière moderne est loin d’être à l’image qu’on voudrait lui donner : s’il est vrai que parfois elle peut fabriquer des potions, onguents et autres soins, elle est aussi adepte des nouvelles technologies et les utilise pour parfaire ses connaissances et partager son savoir-faire. Certes, elle pratique des rituels, sort parfois la nuit pour profiter du clair de la pleine lune, et lit l’avenir dans les cartes, mais elle est aussi cuisinière, artiste, bricoleuse,…

Et surtout, elle s’affranchit des genres : que l’on soit femme, homme, non-binaire (ou toute autre identité de genre qui nous convient le mieux), la sorcellerie ne nous impose aucune limite (autres que celles que l’on s’impose soi-même). Et souvent, d’ailleurs, la sorcière est féministe, et sa pratique est parfois un bon outil pour s’accomplir de façon indépendante, loin des injonctions de la société.

Mais son but reste le même, inchangé depuis des siècle : vivre en harmonie avec notre planète et user à bon escient de ce que l’univers lui offre. Et permettre à celleux qui ne voient pas tout ce qu’elle voit de comprendre l’inexplicable. 

Car comme le disait le Petit Prince de Saint-Exupéry : « On ne voit bien qu’avec le coeur. L’essentiel est invisible pour les yeux. »

Et vous, avez-vous déjà vu au-delà du visible ?

A vendredi prochain pour un nouvel article !

Prenez soin de vous et que Mélusine vous garde…

Amélie la sorcière

Pour aller plus loin…

Wikipédia :

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